Lissage des heures : une solution pour la mobilité post-COVID ?

Lissage des heures : une solution pour la mobilité post-COVID ?

Solution prônée depuis presque 40 ans, le lissage des horaires des réseaux de transports en commun remportera-t-il davantage de succès auprès des entreprises et de leurs collaborateurs que par le passé, en complément du télétravail, du flex office et du vélo, boostés avec la pandémie ? 

Nous espérons la fin définitive de la pandémie. L’horizon se dégage et les perspectives s’ouvrent. Les entreprises signent des accords de télétravail – 20 000 accords télétravail ont ainsi été signés en 2020, soit 25% des accords existant selon l’Association Nationale des Directeurs des Ressources Humaines (ANDRH). Elles reprennent leurs projets de déménagement laissés en suspens. Certaines ouvrent la réflexion du flex office. Les collaborateurs reprennent progressivement le chemin du bureau, et les transports en commun se remplissent de nouveau aux heures de pointe – même si les taux de remplissage de l’avant-COVID 19 sont encore loin d’être atteints, la RATP évoquant ainsi une fréquentation en baisse de 50% sur les bus et métros en Ile-de-France au printemps 2021.

Réapparait alors dans le débat public cette idée déjà ancienne, apparue dans les années 1980 en Italie, des politiques de « bureau des temps » et de l’action du « lissage des horaires ». Pour éviter de multiplier les infrastructures des transports dans les zones très denses, proposons plutôt d’étaler les heures de travail.

Lumineux en théorie, plus complexe en pratique. Complexe, mais pas impossible !

Baisser les coûts pour les transporteurs, améliorer le confort pour les collaborateurs

7 emplois sur 10 sont situés sur 6 % du territoire francilien, selon une étude de l’Institut Paris Région[1]. 45 % des déplacements domicile-travail sont effectués en transports en commun, ces derniers sont donc fortement sollicités aux heures de pointe, car seuls 30 % des Franciliens vivent et travaillent dans le même pôle.

L’objectif immédiat d’une action de lissage des horaires est de pouvoir envisager une baisse des coûts de service en allouant moins de véhicules pour assurer la desserte de lignes fortement sollicitées. La démarche peut également comprendre un objectif social par l’amélioration des conditions de travail : confort du trajet, temps d’attente réduit, modification des horaires de certaines professions avec des prises de poste très matinales. Il s’agit enfin de prendre en compte les évolutions structurelles post-Covid : les fonctions télétravaillables sont amenées à se rendre moins souvent au bureau, sans pour autant changer leurs horaires de début et de fin de journée, et le retour à la voiture individuelle est fortement marqué en Ile-de-France.

Prendre en compte les aspirations des collaborateurs

Décaler les horaires nécessite de prendre en considération les aspirations individuelles de maîtrise du temps des salariés. Il est indispensable de construire les conditions de leur adhésion à la démarche, car elle ne se fera pas spontanément. La forte présence de fonctions tertiaires et de cadres n’induit pas que sa mise en place soit aisée. Si le fait de « laisser plus de liberté sur les horaires de travail constitue un réel levier de motivation pour les salariés »[2], « en Île-de-France, on observe plutôt que la flexibilité des horaires de travail va de pair avec une accentuation de la concentration des déplacements en heure de pointe. »[3] Lancer une démarche de lissage des horaires présente à la fois un levier, puisque les employeurs peuvent être sensibles à ces arguments de motivation des salariés, mais également un frein puisqu’elle peut être perçus comme une contrainte supplémentaire, à la fois pour les employeurs et pour les collaborateurs.

Dans son ouvrage « L’harmonisation des horaires de travail : en finir avec l’heure de pointe ? »[4], Emmanuel Munch met en avant 4 principes à prendre en compte dans la mise en place d’une telle démarche :

Retour d’expériences

Rennes fait figure de pionnière avec une expérience très réussie : en 2021, la Métropole a réussi à désencombrer sa ligne de métro en repoussant d’un quart d’heure l’horaire d’arrivée à la fac de 8 000 de ses étudiants, fruit de deux ans de concertation. Malgré une fréquentation du métro en hausse à Rennes, les flux ont diminué de 5% à l’heure de pointe et la charge moyenne de 17% à la station Pontchaillou. En outre, ce décalage a permis une économie de plusieurs millions d’euros, dans la mesure où la communauté d’agglomération n’a pas eu à acheter de nouvelles rames pour faire face à la surfréquentation.[5]

La Défense et Plaine Commune ont également lancé de telles initiatives. En Île-de-France, la charte des transports signée pour les trois premières semaines de déconfinement incluait l’engagement de « lisser massivement les heures de pointe », avec une répartition des arrivées des salariés sur leur lieu de travail entre 05h30 et 10h30, et des retours entre 15h00 et 19h30.

Une telle démarche, pour porter ses fruits, suppose un accompagnement, à l’échelle du territoire, ainsi qu’à celle de chaque établissement concerné : mise en place d’une gouvernance commune, communication, création d’un dispositif incitatif, animations dans la durée, co-construction d’un dispositif de mesure et d’évaluation…  

Nous vous accompagnons depuis vos phases de réflexion sur le sujet jusqu’à la mise en œuvre de solutions. Une question ? N’hésitez pas à nous contacter.


[1] Note « Le mass transit au cœur des dynamiques d’emploi » – Institut Paris Région – Janvier 2021 – https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/000pack2/Etude_2488/NR_880_web.pdf

[2] Enquête OpinionWay – juin 2017

[3] « Le paradoxe de l’heure de pointe et des horaires de travail flexibles » – MUNCH, E., PROULHAC L. -2019 – Territoires en Mouvement, n°2019-2

[4] « L’harmonisation des horaires de travail : en finir avec l’heure de pointe ? » – Emmanuel Munch – Métropolitiques 22 janvier 2014

[5] « Les politiques temporelles des collectivités territoriales » – Rapport d’information n° 558 (2013-2014) – M. Edmond HERVÉ – déposé le 22 mai 2014