Services d’autocars librement organisés, intermodalité, quels enjeux pour les gares routières ?

Services d’autocars librement organisés, intermodalité, quels enjeux pour les gares routières ?

Depuis sa libéralisation en 2015, le transport interurbain longue distance de voyageurs par autocar a connu un essor rapide, avec une offre qui s’est considérablement développée : les opérateurs de services librement organisés (SLO) ont ainsi commercialisé plus de 2 000 liaisons et transporté plus de dix millions de passagers en 2019 selon l’Autorité de régulation des transports. La libéralisation a permis une accessibilité territoriale renforcée à un prix abordable, avec près de 320 villes desservies par les SLO.

La crise sanitaire a certes durement touché le secteur en 2020, mais les chiffres de trafic sont encourageants depuis juin 2021 et on nous annonce pour cet été des chiffres records de réservations, grâce à des prix qui restent abordables et plafonnés malgré la hausse du prix de l’essence[1]. Outre le prix, les principaux facteurs de report des usagers vers ces modes de transport seront la facilité d’accès à l’offre de services et l’intermodalité.

Dans ce contexte de développement, la gare routière d’hier, qui accueille ces transporteurs, doit-elle se transformer pour devenir ou faire partie intégrante d’un Pôle d’Echange Multimodal (PEM) ?

Le 10 décembre 2021, l’Autorité de régulation des transports a organisé la première édition des « Rencontres Gares Routières », destinées à fournir des clés d’analyse et de compréhension des marchés de transport pour les usagers et clients, les décideurs publics et les entreprises du secteur. EM Services a également procédé à un benchmark terrain de l’expérience voyageur dans une dizaine de gares routières en France entre novembre 2021 et mars 2022.

En premier lieu, le déplacement en autocar a un avenir certain : les Français considèrent que le déplacement en autocar est une solution à la transition énergétique et concourt à réduire les fractures sociales et géographiques. Moins coûteux et plus flexible que le train, l’autocar doit être connecté à la fois avec le mode ferroviaire, mais aussi avec le transport urbain pour favoriser les déplacements.

Les gares routières axées sur l’expérience voyageur

Pour un territoire, il apparaît donc important de percevoir la gare routière comme une vitrine régionale et touristique, car elle pourra constituer le premier point d’entrée d’une expérience voyageur, qu’il est donc important de travailler.

Les voyageurs aspirent à une expérience fluide de l’intermodalité en ville : ils souhaitent rapprocher autant que possible le point d’arrêt des services interurbains et librement organisés de la gare ferroviaire, des points d’arrêt des transports urbains, de la station de taxis, de bornes d’autopartage ou encore des points de locations de vélos. Un exemple de bonnes pratiques est à ce titre fourni par les PEM d’Albertville et du Mans. Il y a lieu en revanche de s’interroger sur l’attractivité des territoires pour lesquels le transport longue distance est relégué à plusieurs arrêts de bus de la gare ferroviaire ou à la périphérie de la ville.

Une information voyageur riche et multiple

Concernant les équipements d’une gare routière, le plus important pour un voyageur en autocar est de disposer d’une information multimodale combinant horaires théoriques et horaires réels pour l’ensemble des services à disposition – notamment trains, transports urbains et services routiers interurbains – non seulement dans la gare routière, mais aussi dans la gare ferroviaire. Les gares de Strasbourg et de Compiègne constituent des exemples de bonnes pratiques en la matière.

Au titre de l’intermodalité, la mise à disposition des informations des horaires et quais des autocars sur des écrans d’affichage est partie prenante d’une expérience d’intermodalité réussie, enrichie potentiellement par des annonces sonores, générales ou adaptées pour des personnes malentendantes ou ayant des handicaps cognitifs.

Rassurer et sécuriser par l’humain

Par ailleurs, il est important pour le voyageur que la gare routière ne paraisse pas vide de présence humaine, que ce soit un ou plusieurs agents dans la zone des quais, qui puissent apporter des renseignements sur les prochains départs des autocars ou sur les différents modes de transports accessibles à proximité, et des agents de vente et d’information présents à des guichets dans un espace billetterie, proposant des documents d’informations sur les transports mais également sur les centres d’intérêt du territoire. Enfin la présence d’un vigile pourra rassurer les voyageurs lors des arrivées et départs tardifs ou matinaux.

Plusieurs services en gare sont particulièrement attendus par les voyageurs en autocar : un hall d’accueil fermé pour s’abriter des intempéries, éclairé, chauffé et accessible aux personnes à mobilité réduite, doté de toilettes. Un dispositif de télésurveillance peut également pallier l’absence de vigile. Il peut être utile également d’avoir la possibilité de se restaurer sur place.  Pour les arrêts d’autocars longue distance ou PEM déportés hors des villes, les besoins sont a minima de disposer d’abribus permettant de s’asseoir et de s’abriter.

S’orienter et trouver son chemin

Dernier point clé dans l’expérience voyageur, le fait de pouvoir facilement identifier comment accéder à la gare routière :

  • Dans un PEM de centre-ville ou de taille structurante, il est fondamental de travailler la signalétique vers la gare routière avec des parcours voyageurs basés sur des persona en correspondance depuis d’autres modes de transports : panneaux, pictogrammes évocateurs, nudges et plans multimodaux du PEM.
  • Pour les gares routières périphériques, il faut pouvoir informer le voyageur en amont du voyage sur les façons de s’y rendre, matérialiser des points de départ vers la gare en centre-ville, ainsi que les points d’arrêts des autocars hors des villes, en travaillant également une signalétique appropriée.

Comment intégrer les services SLO dans un PEM sans effet de bord sur le reste de l’activité ?

Malgré une gestion optimisée des flux dans les gares, on remarque qu’il reste très difficile d’accueillir les services librement organisés qui ont leurs propres spécificités : la variabilité des horaires, avec des retards relativement fréquents à gérer, les services aux voyageurs, ou encore la manutention de bagages, avec une ouverture des coffres des deux côtés de l’autocar, qui pose un réel problème de sécurité, sachant que le flux piéton n’est pas le même que pour les bus ou autocars conventionnés.

Il est donc important de réfléchir aussi bien aux conditions d’accueil des autocars longue distance (quais ou zones de parking dédiés), qu’à l’organisation et aux moyens à y associer au sein de la gare routière. Sachant par ailleurs que l’activité sera plutôt saisonnière, avec de possibles périodes de saturation ou des pics de fréquentation de la Gare Routière pendant les heures de pointe et pendant les périodes de vacances. Les difficultés de gestion de ces saturations sont souvent liées pour ce qui concerne les services librement organisés à leur hyper agilité : des demandes de créneaux de courte durée, une augmentation rapide des volumes de trafic sur de courtes périodes, des baisses rapides également.

A ce titre, il sera important pour un territoire d’être en mesure d’apporter une réponse aux besoins d’intermodalité lors de ces pics, face à des volumes de voyageurs plus importants. Deux points d’actions nous semblent ainsi fondamentaux pour ne pas entrainer des interruptions dans le parcours du voyageur :

  • Faciliter le dialogue et la coordination des différents transporteurs de toute nature (urbains, régionaux, longue distance) dans l’élaboration de leurs plans de transport ;
  • S’assurer de disposer d’autres modes alternatifs dans le PEM pour compléter l’expérience (ex. : autopartage, transport à la demande, ligne de covoiturage…).

[1] https://www.leparisien.fr/economie/les-cars-macron-ne-vont-pas-augmenter-les-prix-de-leurs-billets-21-03-2022-34TX62WGDZGP7POI6P7HWXJDRI.php