De l’hypermobilité à la mobilité choisie ?

De l’hypermobilité à la mobilité choisie ?

Vers la fin de l’hypermobilité ?

Les sociétés occidentales dont le modèle économique est basé sur la productivité valorisent principalement l’hypermobilité ; une hypermobilité rendue possible jusqu’à aujourd’hui par l’essor de la mobilité motorisée et individuelle.

Le concept d’hypermobilité est en effet apparu au 20è siècle avec la démocratisation de la voiture individuelle, l’industrialisation de la production et l’amélioration de la performance des véhicules permettant aux classes moyennes de s’équiper[1].

Dans les années 70, ce concept prend une autre dimension avec la démocratisation du transport aérien et l’apparition du TGV en France dans les années 80. On peut désormais se déplacer vite sur de grandes distances.

La voiture individuelle comme mode de déplacement influence l’aménagement du territoire, les lieux de vie, de travail et de loisirs : en 1995, Jean-Pierre Orfeuil mettait en avant que la généralisation de l’usage de l’automobile « ouvre à chacun un vaste espace d’arbitrage en matière de localisation et d’enracinement résidentiel »[2].

Ce phénomène qui apparaît dans les années 70, c’est la périurbanisation : les grandes unités urbaines voit leur population stagner au profit des communes proches, c’est le développement des « banlieues pavillonnaires »[3]. Ce mouvement des populations vers le périurbain est encouragé par les politiques de logement de l’époque, l’instauration en 1977 du Prêt aidé à l’accession à la propriété (PAP) couplé à l’Aide personnalisée au logement (APL), qui permet de solvabiliser de nombreux ménages modestes.

Ce nouveau modèle d’habitat dé-densifie la ville et engendre un besoin en mobilité important, dans un contexte ou l’offre de transport en commun n’est encore que très peu répandue dans ces zones.

En mars 2020 la crise sanitaire liée au COVID-19 et le confinement qu’elle a engendré, ont engagé une baisse inédite de la mobilité à toutes les échelles, à commencer par les déplacements très longues distances et les  échanges entre pays.

Si l’on regarde à plus petite échelle, la liberté de circuler a été nettement réduite avec la mise en place du confinement, les déplacements ne se faisant que pour motif impérieux. Cette situation contrainte a engendré un essor sans pareil du télétravail  remettant en question  les organisations de travail traditionnelles. On commence ainsi à voir resurgir dans le débat public des réflexions, depuis longtemps largement documentées par les chercheurs  sur l’articulation entre la localisation du travail et des habitations .

Articulation entre la localisation du travail et des habitations

« Les débats sur les mobilités doivent moins s’intéresser au mode de déplacement, lourd ou léger, individuel ou collectif, motorisé ou non, qu’à la ville elle-même. La forme urbaine, dense ou lâche, est la matrice des mobilités » selon le sociologue Bruno Marzloff[4].

Une étude de l’INRETS (Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité) va dans le sens de cette réflexion ; dans le cadre de la planification urbaine, le retour à plus de mixité dans l’agencement urbain pourrait consister à rapprocher les lieux d’habitat des lieux de travail des actifs et être synonyme de réduction des distances à parcourir en automobile.

Les résultats de l’étude montrent que si tous les actifs résidaient à moins de 30 minutes de leurs lieux d’emploi en région Île-de-France, les distances au travail portées par l’usage actuel de l’automobile des actifs seraient réduites de 25 %. Cette réduction concernerait 22% des ménages dont 1 actif utilise la voiture pour un trajet domicile-travail. Ces pourcentages peuvent se traduire par une réduction de 12 millions de km quotidien (cas de figure : un actif réalise un aller-retour/jour)[5].

Vers une mobilité davantage choisie ?

Au-delà de la réduction des distances et des temps de transport[6],  l’idée de  démobilité interroge notre capacité à retrouver une mobilité choisie, pondérée, frugale : devenir maître de ses déplacements, sans dépendre des injonctions imposées par le travail ou l’hypermarché.  Il s’agit  de « faire moins de kilomètres, et davantage de mobilité douce. Et pour cela, concrètement, il faut organiser la ville et le travail autrement » selon Julien Damon[7]

Plusieurs pistes de réflexion vont dans le sens d’une mobilité choisie :

  • La plus évidente concerne  le déploiement du télétravail et la flexibilisation des lieux de travail, celui-ci pouvant s’exercer  au domicile mais aussi dans des tiers-lieux : espace de coworking par exemple.
  • Seconde piste de réflexion : le développement de nouveaux outils de synchronisation des temps sociaux et l’idée de décalage des horaires de travail, testée notamment en 2013 par la SNCF en collaboration avec plusieurs gros employeurs d’Ile-de-France.
  • De manière plus structurante, la déspécialisation des villes  et la recherche d’une ville plus cohérente, offrant une mixité fonctionnelle prend dans le contexte acte actuel encore plus de sens.

Les acteurs économiques, à commencer par les employeurs ont un rôle-clef à jouer pour faciliter cette mobilité choisie via l’optimisation des conditions de déplacement de leurs salariés, la mise en place de flexibilisation des lieux et temps de travail. Contactez-nous pour en échanger. 


[1] Blog « Technologie(s) et société de la connaissance », « Le 21è siècle et la conquête de la hyper-mobilité », septembre 2009

[2] MADORE François, « Modes de vie périurbains en France », 2004

[3] Geoconfluences.fr, « L’habitat pavillonnaire », mars 2018

[4] RAZEMON Olivier, « Retrouver une mobilité choisie, pondérée et frugale », Avril 2020

[5] ALIBEU Séverine, « Etude de l’INRETS : rapprocher des zones d’emploi et d’habitat pour réduire le trafic automobile en Ile-de-France », Juin 2007

[6] DAMON Julien, « La démobilité : travailler, vivre autrement », Juin 2013

[7] DAMON Julien, « La démobilité : travailler, vivre autrement », Juin 2013